jeudi 1 janvier 2015

Rester soi et s'adapter ... paradoxe ?

"Si la plupart des philosophes, thérapeutes ou guides spirituels nous encouragent à nous adapter au monde tel qu'il est (ou est en train de devenir), d'autres se méfient de cette tendance, avec un argument plutôt imparable : "les gens bien adaptés à un monde malade ne nous indiquent pas forcément la voie à suivre". Au nom d'une humanité libre et créative, ces contestataires nous invitent à prendre nos distances vis à vis de l'adaptation automatique au "meilleur des mondes" que voudrait nous imposer l'idéologie dominante. Après tout, depuis Darwin, les paléontologues n'ont-ils pas établi que, chaque fois qu'une grande mutation s'est produite dans l'évolution des espèces, la nouveauté était venue d'un petit groupe marginal dont l'inadaptation à l'ancien contexte s'était avérée "miraculeusement" adaptée au nouveau ? Qui peut se targuer de savoir quelle humanité sera adaptée au monde du XXIIème siècle ?
Parmi les méfiants, le philosophe Denis Marquet : "Le concept d'adaptation, très à la mode aujourd'hui, sent trop le conditionnement et les mobiles simples - la survie, le profit, la séduction. Il s'agit, au fond, à travers des pseudo-changements, de rester le même. Alors que la véritable création survient quand je me laisse surprendre et me découvre autre. A la notion d'adaptation, je préfère celle d'ajustement créateur. La différence ? La même qu'entre l'intégration et l'intégrité de soi. Souvent, celui qui s'adapte s'intègre à des valeurs qui ne lui correspondent pas. Il se nie. Inversement, certains, au nom de leur intégrité, renoncent au monde, dans un refus tout aussi contestable. L'important est de ne plus lutter contre le réel pour rester identique, mais de se laisser transformer par lui en permanence, d'entrer dans une relation vivante et imprévisible avec le monde. "
François L'Yvonnet, professeur de philosophie  
 
 

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