mardi 20 janvier 2015

La liberté contre le destin

"Sartre était tellement fasciné par Freud qu'il a essayé de fonder une forme de psychanalyse concurrente, reposant sur l'idée...que l'inconscient n'existait pas ! Ce que Freud nomme l'inconscient n'est pour Sartre qu'une conscience de mauvaise foi : l'homme ne veut pas voir ce qu'il a refoulé, mais qu'il a bien dû voir au moment de le refouler - sinon, il n'y aurait pas eu refoulement. Nul inconscient profond chez Sartre, ni de libido exprimant l'intensité de l'énergie associée aux pulsions refoulées, juste une zone de la conscience que l'homme ne veut pas voir, incapable de cette honnêteté vis à vis de lui-même. L'inconscient ainsi redéfini, et donc nié, ne peut en conséquence déterminer l'homme à être ce qu'il est : l'homme n'est plus déterminé par son passé ; il est libre de s'inventer à chaque instant. Comment refonder la psychanalyse si l'on pense que l'individu n'est pas le produit de son passé ? En proposant, comme Sartre, d'allonger les individus pour leur permettre d'entendre, non pas leur passé...mais leur avenir ! De trouver un projet capable de redonner du sens à leur vie, de rendre leur passé supportable, voire d'en faire une force. Pour Sartre, le passé n'existe pas : il n'a aucune réalité objective. Il se donne à nous en fonction de la manière dont nous nous projetons dans l'avenir.
Vous avez le vertige, une peur phobique des balcons trop élevés ? Inutile d'aller chercher dans votre enfance l'introuvable clé de l'énigme. C'est l'avenir qui vous angoisse, l'avenir tout proche : de ce balcon , vous pourriez vous jeter dans le vide. Finalement c'est votre liberté qui vous angoisse, cette liberté qui peut être "monstrueuse", l'angoisse devenant le symptôme de cette douloureuse prise de conscience de votre liberté. Pour en sortir, il s'agissait chez Freud de saisir la manière dont nous sommes pris dans le destin, Sartre nous propose d'assumer pleinement cette liberté qui est aussi l'origine de nos angoisses.
Toujours la même histoire : la liberté contre le destin. On imagine très bien le dialogue entre les deux. Freud : "Ainsi, vous proposez simplement de guérir les hommes en leur donnant un projet ?" Sartre "Et bien oui, c'est toujours mieux que de leur donner un destin !".
C'est probablement Freud qui a raison. Mais Sartre plaît beaucoup plus aux partisans de thérapies brèves et de coachs pressés, par temps de crise, de changer les obstacles en opportunités."
Charles Pépin, philosophe
 
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire