vendredi 30 janvier 2015

A coup sûr ce qui a été ...

« La Photographie ne dit pas (forcément) ce qui n’est plus, mais seulement et à coup sûr, ce qui a été. Cette subtilité est décisive. Devant une photo, la conscience ne prend pas nécessairement la voie nostalgique du souvenir, mais pour toute photo existant au monde, la voie de la certitude : l’essence de la Photographie est de ratifier ce qu’elle représente (…) Cette certitude, aucun écrit ne peut me la donner (…) le noème du langage est peut-être cette impuissance (…) le langage est, par nature, fictionnel ; pour essayer de rendre le langage infictionnel, il faut un énorme dispositif de mesures : on convoque la logique, ou, à défaut le serment ; mais la photographie, elle, est indifférente à tout relais : elle n’invente pas ; elle est l’authentification même ; les artifices, rares, qu’elle permet, ne sont pas probatoires ; ce sont, au contraire, des trucages : la photographie n’est laborieuse que lorsqu’elle triche (…) sa force est supérieure à tout ce que peut, a pu concevoir l’esprit humain pour nous assurer de la réalité – mais aussi cette réalité n’est qu’une contingence (« ainsi, sans plus ») (…) Toute Photographie est un certificat de présence. Ce certificat est le gène nouveau que son invention a introduit dans la famille des images. »  Roland Barthes, sémiologue et écrivain, La chambre claire
 
 
Photo de Roman Vishniac

mardi 27 janvier 2015

S'émerveiller encore

S’émerveiller comme un enfant et poser des yeux éblouis sur toutes ces choses incroyables qui nous entourent. C’est une manière de jouir de la vie. Mais aussi de résister à la lassitude et la morosité ambiante. Mère de trois enfants, j’ai eu souvent l’occasion d’observer leur  incroyable capacité d’émerveillement. Chez un bébé âgé de quelques mois, on constate que tout le fascine, tout le captive. Tout l’enthousiasme. Son corps entier l’exprime, s’agite, il crie de joie ou de surprise à chaque découverte ou redécouverte. Il cherche à toucher, sentir, saisir, goûter, tester… et semble vivre intensément chaque nouvelle expérience.
En devenant adulte, nous avons bien souvent troqué notre capacité d’émerveillement contre la capacité de comprendre, d’affronter et de maîtriser le monde dans lequel nous avançons. En perdant ainsi de vue sa beauté, son mystère et sa magie.
Le philosophe Bertrand Vergely assure que « l’émerveillement est une faculté poétique qui se décide ». C'est le choix délibéré, conscient et libre de refuser l'aigreur, la dureté et la peur pour aborder le monde avec ouverture et gourmandise.
Il serait donc possible d’échapper, un tant soit peu, à nos urgences et devenir perméable aux beautés imprévisibles qui s’offrent à nous. Pour autant que l'on soit dans ce cheminement, véritable partis pris, dont le premier petit pas serait peut-être celui de l'émerveillement de soi-même...


 
 

samedi 24 janvier 2015

Un mal pour un bien...

La métaphore du papillon : un jour, une ouverture apparut dans un cocon. Un homme s'assit et regarda le papillon naissant se battre pendant des heures pour crever son abri et forcer le petit trou à s'agrandir. Mais bientôt il sembla à l'homme que l'insecte ne progressait plus. Il était allé aussi loin qu'il avait pu mais il ne bougeait plus.
Alors l'homme prit une paire de ciseaux et découpa délicatement le cocon pour aider le papillon à sortir. Celui-ci émergea facilement. Mais il avait un corps chétif et ses ailes froissées étaient atrophiées. 
"Pas grave, il va se développer" se dit l'homme et il continua à regarder le papillon en espérant qu'il déploie ses ailes pour voler. Mais cela n'arriva jamais. Le papillon passa le reste de sa vie à ramper sur son petit corps, incapable d'utiliser ses ailes rabougries.
Ce que l'homme, dans sa bonté précipitée, n'avait pas compris, c'est que le cocon trop serré est une ruse de la Nature pour forcer le papillon à le percer et à entraîner ses ailes... A cette condition seulement, il peut voler.
 
Toute métamorphose, tout changement demande des efforts. La chenille devient chrysalide en se débattant patiemment et vaillamment pour sortir de son cocon.
Ces efforts ont pour contrepartie de nous irriguer de vitalité et de nous apporter souplesse et robustesse.
Lorsqu'on entame un processus de changement, quel qu'il soit, il est intéressant de garder à l'esprit que les difficultés, les moments de doute, d'incertitudes, sont des étapes obligatoires. Des transitions inévitables mais oh combien salutaires.
 
 
 
 

jeudi 22 janvier 2015

L'instant présent...what else !

"Le passé existe seulement dans notre mental et sous la forme que nous choisissons de voir. Ce moment est celui que nous sommes en train de vivre. Ce moment est celui que nous sommes en train de sentir. Ce moment est celui que nous sommes en train d'expérimenter. Ce que nous faisons en ce moment même, c'est construire les fondations de demain. Par conséquent, c'est le moment pour prendre une décision. Nous ne pouvons rien faire avec hier ni avec demain. Nous pouvons juste le faire aujourd'hui. Seul importe ce qu'on choisit de penser, de croire et de dire en ce moment même."
Louise L. Hay - Ecrivaine

 
 

mardi 20 janvier 2015

La liberté contre le destin

"Sartre était tellement fasciné par Freud qu'il a essayé de fonder une forme de psychanalyse concurrente, reposant sur l'idée...que l'inconscient n'existait pas ! Ce que Freud nomme l'inconscient n'est pour Sartre qu'une conscience de mauvaise foi : l'homme ne veut pas voir ce qu'il a refoulé, mais qu'il a bien dû voir au moment de le refouler - sinon, il n'y aurait pas eu refoulement. Nul inconscient profond chez Sartre, ni de libido exprimant l'intensité de l'énergie associée aux pulsions refoulées, juste une zone de la conscience que l'homme ne veut pas voir, incapable de cette honnêteté vis à vis de lui-même. L'inconscient ainsi redéfini, et donc nié, ne peut en conséquence déterminer l'homme à être ce qu'il est : l'homme n'est plus déterminé par son passé ; il est libre de s'inventer à chaque instant. Comment refonder la psychanalyse si l'on pense que l'individu n'est pas le produit de son passé ? En proposant, comme Sartre, d'allonger les individus pour leur permettre d'entendre, non pas leur passé...mais leur avenir ! De trouver un projet capable de redonner du sens à leur vie, de rendre leur passé supportable, voire d'en faire une force. Pour Sartre, le passé n'existe pas : il n'a aucune réalité objective. Il se donne à nous en fonction de la manière dont nous nous projetons dans l'avenir.
Vous avez le vertige, une peur phobique des balcons trop élevés ? Inutile d'aller chercher dans votre enfance l'introuvable clé de l'énigme. C'est l'avenir qui vous angoisse, l'avenir tout proche : de ce balcon , vous pourriez vous jeter dans le vide. Finalement c'est votre liberté qui vous angoisse, cette liberté qui peut être "monstrueuse", l'angoisse devenant le symptôme de cette douloureuse prise de conscience de votre liberté. Pour en sortir, il s'agissait chez Freud de saisir la manière dont nous sommes pris dans le destin, Sartre nous propose d'assumer pleinement cette liberté qui est aussi l'origine de nos angoisses.
Toujours la même histoire : la liberté contre le destin. On imagine très bien le dialogue entre les deux. Freud : "Ainsi, vous proposez simplement de guérir les hommes en leur donnant un projet ?" Sartre "Et bien oui, c'est toujours mieux que de leur donner un destin !".
C'est probablement Freud qui a raison. Mais Sartre plaît beaucoup plus aux partisans de thérapies brèves et de coachs pressés, par temps de crise, de changer les obstacles en opportunités."
Charles Pépin, philosophe
 
 

mercredi 14 janvier 2015

Libérer la pensée

"L'Art transforme la pensée en rendant chacun conscient de son pouvoir créateur et permet de renouer avec l'exigence subjective universelle d'être et de s'affirmer par et pour soi-même, d'inscrire son être propre dans le monde naturel et humain, ce que ne permet ni la science ni la technique, ni le travail, rivés à l'universel abstrait ; l'art nous procure la joie de produire et de ressentir ce qui est le plus intime : l'amour de la vie et de sa mouvance inventive, le sens de l'universelle originalité du désir vécu de la liberté concrète. Ainsi, l'art défonctionnalise la vie et nous met en demeure de la changer pour en faire une source inépuisable de création et d'échanges sensuels, affectifs et intellectuels non utilitaires avec les autres et la nature. Ainsi, les corps symboliques que crée l'artiste nous rappelle à la richesse de notre expérience la plus profonde : celle de notre sensibilité à la recherche infinie des significations les plus contradictoires de notre expérience intime, car c'est par cette recherche que ces contradictions adviennent au sens, c'est à dire à l'unité interrogative de la conscience de soi. En cela le plaisir esthétique est de reconnaissance ; encore faut-il pour l'éprouver ne pas avoir perdu le goût de la liberté, ce que la réalité triviale de la vie sociale s'emploie à faire tous les jours."
Sylvain Reboul - Enseignant en philosophie
 
 

samedi 10 janvier 2015

Vie intérieure

"J'ai tendance à penser que la vie extérieure n'est qu'un reflet de la vie intérieure. La vie naît dans l'obscurité, tout comme la lumière jaillit de la nuit. Les gens font l'amour dans l'ombre. Le fœtus grandit dans les profondeurs du ventre. La plante pousse sous terre. Tout nait d'une forme non visible. La vie intérieure est invisible.
Je la divise en deux. D'un côté il y a ma structure interne, la construction mentale qui fait que j'existe. C'est primordial et primitif : j'ai été stupéfait de découvrir que sous hypnose, tous mes souvenirs revenaient, de façon incroyablement précise et vivante - mémorisés depuis ma prime enfance !
Mais il y a une autre vie intérieure, essentielle pour moi. C'est une ouverture sur une dimension qui m'échappe, sur un inconnu dont j'ignore la nature mais dont dépendent les idées, la création, l'art, la musique, la poésie et une infinité de possibles. Pour y accéder, j'ai besoin de me mettre sur une certaine fréquence, d'élever mon niveau d'énergie. J'ai des trucs simples pour y parvenir. En tant que musicien, je vois la vie comme des flux vibratoires dont le niveau et la qualité changent, par exemple en fonction de l'endroit où je me trouve. Face à la mer, je ne ressens pas la même vibration que dans le métro... Il faut se mettre dans une attitude d'abandon, accepter d'être tout petit face à quelque chose de bien plus grand que soi. (...)
Pour trouver de nouvelles musiques, j'accompagne au piano, en improvisation, une amie qui danse merveilleusement bien. Elle a tant d'énergie que, pour la suivre, je suis dans un état second. Ce qui est intéressant dans la vie intérieure, c'est justement de sortir de la normalité. C'est aussi pourquoi c'est à peu près intransmissible. Pourtant, on sent tout de suite quand quelqu'un a une vie intérieure forte. Il n'a pas besoin de parler, tout ce qu'il fait rayonne d'une qualité qui nous nourrit. De quoi s'agit-il ? Sans doute de présence, tout simplement."
Arthur H, auteur-compositeur-interprète
 
 

mardi 6 janvier 2015

C'est une folie ...

C'est une folie d'haïr toutes les roses, 
Parce que une épine vous a piqué,
 
D'abandonner tous les rêves,
Parce que l'un d'entre eux ne s'est pas réalisé,
 
De renoncer à toutes les tentatives
parce qu'une a échoué.
 
C 'est une folie de condamner toutes les amitiés
Parce qu'une vous a trahi,
 
De ne croire plus en l'amour juste
Parce qu'un d'entre eux a été infidèle,
 
De jeter toutes les chances d'être heureux juste
Parce que quelque chose n'est pas allé dans la bonne direction.
 
Il y aura toujours une autre occasion,
un autre ami, un autre amour, une force nouvelle.
 
Pour chaque fin il y a toujours un nouveau départ.
(Extrait du Petit Prince d'Antoine de St Exupéry)
 

jeudi 1 janvier 2015

Rester soi et s'adapter ... paradoxe ?

"Si la plupart des philosophes, thérapeutes ou guides spirituels nous encouragent à nous adapter au monde tel qu'il est (ou est en train de devenir), d'autres se méfient de cette tendance, avec un argument plutôt imparable : "les gens bien adaptés à un monde malade ne nous indiquent pas forcément la voie à suivre". Au nom d'une humanité libre et créative, ces contestataires nous invitent à prendre nos distances vis à vis de l'adaptation automatique au "meilleur des mondes" que voudrait nous imposer l'idéologie dominante. Après tout, depuis Darwin, les paléontologues n'ont-ils pas établi que, chaque fois qu'une grande mutation s'est produite dans l'évolution des espèces, la nouveauté était venue d'un petit groupe marginal dont l'inadaptation à l'ancien contexte s'était avérée "miraculeusement" adaptée au nouveau ? Qui peut se targuer de savoir quelle humanité sera adaptée au monde du XXIIème siècle ?
Parmi les méfiants, le philosophe Denis Marquet : "Le concept d'adaptation, très à la mode aujourd'hui, sent trop le conditionnement et les mobiles simples - la survie, le profit, la séduction. Il s'agit, au fond, à travers des pseudo-changements, de rester le même. Alors que la véritable création survient quand je me laisse surprendre et me découvre autre. A la notion d'adaptation, je préfère celle d'ajustement créateur. La différence ? La même qu'entre l'intégration et l'intégrité de soi. Souvent, celui qui s'adapte s'intègre à des valeurs qui ne lui correspondent pas. Il se nie. Inversement, certains, au nom de leur intégrité, renoncent au monde, dans un refus tout aussi contestable. L'important est de ne plus lutter contre le réel pour rester identique, mais de se laisser transformer par lui en permanence, d'entrer dans une relation vivante et imprévisible avec le monde. "
François L'Yvonnet, professeur de philosophie