jeudi 3 décembre 2015

La différence, c'est ce silence

"La sagesse, c'est l'art d'accepter quelque chose qui ne peut pas changer, de changer quelque chose qui peut changer, et surtout, de faire la différence entre les deux."
La méthode de Shopenhauer - Irvin Yalom
Photographie : Alain Laboile

mercredi 14 octobre 2015

L'Art de la mémoire...

"Le sentiment manipule les souvenirs. Nous naissons ignorants dans l'art de les faire apparaître ou disparaître. Nous ne savons pas ce qui produit le retour inopiné de tel ou tel épisode de notre vie dans notre mémoire, nous ignorons le chemin que se fraye le souvenir dans son apparition, et nous ignorons aussi, par conséquent, le moyen de le chasser s'il est là et qu'il nous importune. Un art de la mémoire moderne ne serait pas l'art de se souvenir des diverses parties d'un discours, comme c'était le cas dans l'Antiquité, ni non plus l'art de commémorer des choses anciennes, ni davantage quelque chose qui fait un éloge de l'oubli, mais une astucieuse manière d'user du souvenir pour le faire agir sur le présent. C'est certainement là ce qu'il y a de plus décisif dans la psychanalyse car, en un sens, elle est effectivement un art de la mémoire. (...) C'est un art, en tous cas, que de susciter les justes souvenirs. Car ce ne sont pas à des évènements morts que la pensée s'attache en s'attristant ou se réjouissant, mais au contraire à des évènements vivants et palpitants en elle. La mémoire gouverne ainsi notre comportement et tu peux dire que ta vie aurait pu être toute différente si, en telle occasion, tu avais pu manipuler ta mémoire de telle sorte que, éveillant d'autres souvenirs, elle te conduise à d'autres actions. Si par exemple, dans une situation décisive, un certain remords s'insinue dans ta pensée, tu te trouves en face d'une occasion de saisir la signification du mot "remords" à travers son symbolisme grammatical. Le remordre est la réitération de la morsure, le "sentir encore une fois" la morsure. Le passé mordant le présent. La mémoire est une chienne qui tient dans sa gueule les images de ta vie passée. Elle te les ramène, contente d'elle même et en remuant la queue. Et cependant ses captures sont parfois inopportunes. Le remords est le nom que nous donnons à ce que nous ne supportons plus dans notre passé. Nous voudrions n'avoir jamais été que le meilleur de nous-mêmes, et il nous faut cependant supporter également d'avoir été le pire. En cela consiste l'art de la mémoire : se souvenir efficacement du meilleur et écarter le pire."
Pascal Nouvel - Conversation avec mon clone sur la passion amoureuse
Oh ! je voudrais tant que tu te souviennes
Des jours heureux où nous étions amis.
En ce temps-là la vie était plus belle,
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui.
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle.
Tu vois, je n'ai pas oublié...
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Les souvenirs et les regrets aussi
Et le vent du nord les emporte
Dans la nuit froide de l'oubli.
Tu vois, je n'ai pas oublié
La chanson que tu me chantais.

{Refrain:}
C'est une chanson qui nous ressemble.
Toi, tu m'aimais et je t'aimais
Et nous vivions tous deux ensemble,
Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais.
Mais la vie sépare ceux qui s'aiment,
Tout doucement, sans faire de bruit
Et la mer efface sur le sable
Les pas des amants désunis.

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Les souvenirs et les regrets aussi
Mais mon amour silencieux et fidèle
Sourit toujours et remercie la vie.
Je t'aimais tant, tu étais si jolie.
Comment veux-tu que je t'oublie ?
En ce temps-là, la vie était plus belle
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui.
Tu étais ma plus douce amie
Mais je n'ai que faire des regrets
Et la chanson que tu chantais,
Toujours, toujours je l'entendrai !

{Refrain}
Chanson les feuilles mortes - Yves Montand

mardi 19 mai 2015

Les blessures sont aussi des ouvertures

"C'est en soi qu'il faut chercher. D'où l'importance du vertige, de la blessure, de la maladie, de l'hiver, du brouillard. Tout ce par quoi nous éprouvons notre solitude et notre fragilité. Car il s'agit d'innover et de rendre lisible de nouvelles images, où et comment les trouver ? Inutile de faire comme la plupart des artistes et de suivre le dogme du voyage en Italie pour consolider son apprentissage, inutile de s'inspirer des maîtres du passé, de se soumettre à la copie. Inutile de s'agiter, de se presser, de s'opposer frontalement aux académies. Le plus essentiel se situe dans une effrayante proximité, c'est en soi qu'il faut chercher. En 1787, lors d'une séance de patinage, la surface de la glace se rompit sous les pieds du jeune Caspar. C'est son frère cadet qui le sauva mais disparut à son tour, noyé sous la glace. Difficile d'imaginer le poids d'un tel désastre. Difficile aussi de ne pas relier, même par un fil ténu, le vertige d'une telle rupture, d'une telle culpabilité et l'appel en soi de la tragédie du paysage. S'il s'agit de faire "monter au jour ce que tu as vu dans ta nuit, afin que son action s'exerce en retour sur d'autres êtres, de l'extérieur vers l'intérieur", alors il est impossible de ne pas accepter cette montée en soi de la nuit, ce maintien à vif de la blessure. Dans Le Ravin (1821) comme dans La Caverne (1813), la surface se fracture et ouvre sur l'énigme d'un trou noir, réserve obscure qui attire et effraye. Les blessures sont aussi des ouvertures, c'est en elles qu'il faut puiser."
 
Voir est un art - Christine Cayol  - A fondé le cabinet Synthesis, qui accompagne les équipes dirigeantes dans leur développement stratégique et humain en utilisant le détour par l'art.
 
Caspar David Friedrich - La mer de glace ou Le Naufrage

vendredi 17 avril 2015

Ces pensées qui forment une vie






"Prends soin de tes pensées, elles deviendront tes actions. Prends soin de tes actions, elles deviendront tes habitudes. Prends soin de tes habitudes, elles deviendront ton caractère. Prends soin de ton caractère, il deviendra ton destin. Prends soin de ton destin, il deviendra ta vie".
Dalaï Lama

 

mardi 24 mars 2015

Retournons dans la forêt ...

"Quand nous sortirons de la bouteille de notre ego,
que nous nous échapperons de notre cage, comme des écureuils,
pour retourner dans la forêt,
nous tremblerons de froid et de peur
mais il nous arrivera des choses
telles que nous ne nous reconnaîtrons plus.
Une vie fraîche, candide surgira,
et la passion tendra nos corps par sa puissance.
Avec nos pieds nous martèlerons le sol avec une force nouvelle
et les choses anciennes tomberont,
nous rirons,
les institutions se recroquevilleront comme du papier dans la cheminée."
 
D. H. Lawrence - écrivain poète anglais
 
 

jeudi 5 mars 2015

Le mystère Séraphine

Je suis fascinée par la vie de Séraphine. Ses peintures me touchent profondément. Et l'histoire de sa vie m'ébranle à chaque fois qu'elle m'est racontée. D'où peint Séraphine ? De quel monde invisible vient-elle ?
 
Orpheline de père et de mère à sept ans, elle grandit comme grandissent les petites filles de la campagne, le regard vers le ciel, vers les arbres, vers la lumière, comme pour oublier le quotidien d'une dure vie de labeur. Quelle douleur d'enfance que de n'avoir pu connaître la douceur d'un foyer, de n'avoir pu se confier qu'à l'écoute docile des bêtes, d'avoir dû tant de fois ranger sa peine au plus loin d'elle même, de s'être toujours sentie à côté des autres, sans que personne ne se soucie d'elle et ne lui donne un peu d'affection. De son enfance, Séraphine ne veut retenir que l'odeur des fleurs dans les champs, la musique des feuilles des arbres dans le vent...Personne ne remarque encore sa faculté de s'abstraire du monde, de s'éloigner de tous, de vivre ailleurs.
Elle travaillera comme bergère puis comme femme de ménage dans des familles bourgeoises puis passera vingt années au couvent. Une façon pour elle de s'enfermer dans un monde à part. La régularité des horaires, le silence, les prières, l'odeur de cire endorment sa violence intérieure.
 
Puis un jour, un désir violent d'être libre, de rejoindre sa propre vie. De docile elle devient révoltée. Sa gorge sèche réclame d'autres soifs. Séraphine quitte le couvent et se faufile dans les rues étroites de Senlis. Elle a cette certitude tenace, brutale que quelque chose va advenir. Elle attend que ses voix intérieures se fassent entendre et l'informe du vœu de la Vierge Marie ...car elle croit à ces correspondances privées que le Ciel accorde à ceux qu'il a choisis et elle en sera ...Depuis l'enfance, la solitude l'a contrainte à écouter ses voix intérieures qui lui parlaient dans sa détresse d'enfant oubliée et abandonnée à elle même.
 
L'appel survient enfin : Séraphine doit peindre à la gloire de Dieu.
Elle ne connaît rien à la peinture, au milieu des artistes, elle n'est jamais allée dans un musée. Mais qu'importe puisque c'est l'ange qui va guider sa main...Séraphine va peindre sans technique, sans apprentissage théorique. Seulement avec sa force intérieure, avec des énergies projetées en dehors d'elle et qu'elle rassemble sur la toile. Spontanément se sont des fleurs qu'elle commence à peindre. Puis ce sera des bouquets, des arbres, des feuilles de vigne emplumées et serties de pierres précieuses, des forêts luxuriantes...
Séraphine veut peindre la vibration des choses, le bruit qu'elles font dans leur silence. Elle devra donc attacher à ses fleurs le silence qui les entoure, ce silence qui vibre et bruit. Attacher du son et des souffles à ses fleurs, vaste programme.
 
Comment le chaos qui mènera Séraphine à l'asile a-t-il participé à la beauté, à l'harmonie, à la force de ses tableaux ? La peinture a-t-elle été un thérapeutique pour Séraphine ? A-t-elle retardé un délire grave existant à l'état latent ou, au contraire, l'a-t-elle précipitée dans la psychose ?
Quand Séraphine produit sans relâche, sa vie psychique se maintient. Du jour où elle gagnera de l'argent et où elle sait qu'elle a du succès, les choses vont basculer. Car Séraphine a toujours imaginé qu'elle serait le plus grand peintre, puisque portée par Dieu. La rencontre avec la consécration lui est insupportable car à partir de là, la réalité s'est heurtée au délire, au délire qui soignait ! Un délire qui se construit est réparateur, le malade s'autoguérit, dans une certaine mesure, par le délire. Le jeu des couleurs qu'elle met en place est la volonté de rassembler les morceaux de sa personne, elle rassemble les éléments de son malheur dans l'instant où elle peint. Lorsque la production artistique se tait, elle est envahie par la folie.
La psychanalyse ne s'applique par à l'art. Freud a conceptualisé sa théorie à partir des symptômes, du rêve, des lapsus, des mots d'esprit, des oublis. Les productions artistiques sont différentes et ne peuvent pas être interprétées de la même façon.
 
Séraphine sera finalement internée. Entrer à l'asile, c'est se heurter à l'oubli, à l'attente, à l'absence, à l'ennui, à la solitude de ceux qui sont exclus de l'univers des autres. Elle refusera catégoriquement de peindre dans cet endroit où chacun vit sa souffrance recluse au fond de soi, comme un poing fermé. Livrée à elle-même, à son mutisme comme à ses délires suppliants, oubliée de tous dans la guerre et enterrée à la fosse commune, puisque personne, jamais, ne réclamera son corps.
 
Séraphine ne me trouble pas seulement par sa peinture. Mais aussi par son talent, son génie, sa solitude. Elle fait partie de ces artistes qui, comme Camille Claudel, sont allés jusqu'au bout d'eux mêmes, à l'extrême de leurs limites et qui ont accepté la plus grande violence contre eux. Elle sut transformer sa vie minuscule en un destin, grâce à la peinture.
 
Grand est le décalage entre sa vie de misère et le prix atteint par ses toiles aujourd'hui, fort est le contraste entre les fleurs chatoyantes et sa fin poignante.

Cette peintre qu'on croyait muette alors qu'elle n'a jamais cesser de crier ...
J'aurais aimé la serrer fort dans mes bras, en silence, infiniment.
 
Texte écrit à partir du livre d'Alain Vircondelet "Séraphine, de la peinture à la folie" et du livre de Françoise Cloarec "La vie rêvée de Séraphine de Senlis".
 

 
 



 

mardi 24 février 2015

L'Art ...pour quoi faire ?

Platon, en décrivant sa cité idéale, demande que les poètes en soient exclus, à cause de leur regrettable aptitude à susciter l’émotion plutôt qu’à fortifier la raison. Jean-Jacques Rousseau, théoricien du prérévolutionnaire Contrat social, approuve, dans sa Lettre à d’Alembert sur les spectacles, l’interdiction du théâtre à Genève et recommande la disparition de cet art corrupteur « qui excite les âmes perfides ». Il s’agit, dans les deux cas, de subordonner le rôle de l’art à son utilité, politique ou morale. Aujourd’hui, ces propos sembleraient sans doute brutalement réactionnaires : qui pourrait remettre en cause la pure autonomie de l’art, comment accepter que des critères autres qu’artistiques fondent la valeur de l’œuvre ? Juger l’art en fonction de son message, de ses vertus sociales, ce serait non seulement courir le risque de le priver de sa liberté essentielle, mais plus profondément le dénaturer : l’art n’a définitivement pas de comptes à rendre, sinon à lui-même.
Le débat paraît clos, il ne l’est évidemment pas : au-delà de la censure sporadiquement réclamée pour atteinte à des croyances, aux bonnes mœurs, etc., le questionnement sur le rôle de l’art demeure, dilué dans les demandes faites aux institutions « culturelles », censées justifier leurs subventions notamment, hier, par leur contribution à l’émancipation démocratique et, aujourd’hui, par leur action sur le « lien social », quoi qu’on entende par là. Position « élitiste » ou position « populiste » ? L’art pour l’art, ou l’art pour l’autre ? Ce seraient là les seuls choix possibles. Il n’est pourtant pas certain que cette évidence binaire ne relève pas de la construction historique, de l’affrontement idéologique, plutôt que d’une logique incontestable.
La controverse qui, autour de l’œuvre de Gustave Courbet, a vu le jeune Emile Zola s’opposer à l’ouvrage (posthume) de Pierre-Joseph Proudhon est extrêmement éclairante. Proudhon est sollicité par Courbet pour écrire le texte d’un de ses catalogues d’exposition. Courbet est alors fêté et honni pour avoir encanaillé l’art : trop « réaliste », « matérialiste en art », selon l’expression de Louis Aragon. Proudhon entreprend de définir ce que sont l’art et l’artiste véritables. Il est intrépide. Il balaie l’opposition entre réalisme et idéalisme, en affirmant qu’il est impossible de séparer le réel de l’idéal, l’objet du regard qui lui donne sens. Et précise que l’artiste « est appelé à concourir à la création du monde social »,en offrant une représentation idéaliste de la nature et de l’homme, « en vue du perfectionnement physique, intellectuel et moral de l’humanité, de sa justification par elle-même, et finalement de sa glorification. » C’est au nom du socialisme révolutionnaire qu’il peut sereinement affirmer que l’art pour l’art n’est rien. La beauté rêvée par les artistes a pour mission d’embellir l’homme, et le talent n’est jamais le propre d’un individu mais « le produit de l’intelligence universelle et d’une science générale accumulée par une multitude de maîtres, et moyennant le secours d’une multitude d’industries inférieures». Et l’artiste, s’il a des qualités différentes, n’est en rien supérieur à l’ouvrier. Evidemment, c’est saisissant.
La réplique de Zola est arrogante, percutante, et sans doute davantage en résonance avec notre air du temps : « Notre idéal à nous, ce sont nos amours et nos émotions», ce sont l’originalité, la libre expression d’une personnalité qui importent, et non leur utilité. Théophile Gautier déjà avait rappelé, dans la préface à Mademoiselle de Maupin, qu’« il n’y a rien de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien — l’endroit le plus utile dans une maison, ce sont les latrines »...
Resterait à définir en quoi l’originalité serait une vertu artistique. Zola l’esquisse, en soulignant que la peinture ne se réduit pas à son sujet. Mais c’est ici d’abord l’individualisme qu’il salue, en cette fin du XIXe siècle qui voit s’épanouir le capitalisme, les valeurs bourgeoises et la crainte des masses. Pourtant, lorsqu’il déclare qu’en tant qu’artiste il va « vivre tout haut », qu’affirme-t-il ? Le droit flamboyant à la singularité, qui légitimerait l’art, contre l’égalitarisme, ou bien la secrète utilité de la cristallisation d’une vie rendant sensibles les tristesses et les grandeurs possibles ? Est-ce là un antagonisme absolu, ou l’œuvre même ne peut-elle de fait dépasser cette contradiction, quelles que soient les affirmations de son auteur ? Car, comme le disait Charles Baudelaire, toute esthétique est toujours une morale et une politique — vision du monde et hiérarchie des valeurs...
Evelyne Pieillet - Journaliste au Monde diplomatique 





jeudi 12 février 2015

Nous n'avons pas aimé la vie ?

 "Je regarde les photographies que j'ai réalisées jusqu'à maintenant et elles me laissent penser que ce que nous sommes, ce que nous ressentons et ce que nous allons devenir n'est pas important. Nos aspirations et nos succès ont été petits (cheap) et mesquins (petty). (...) Ils ne partent que d'illusions et de fantasmes. Je ne peux que conclure que nous nous sommes perdus (...) Nous n'avons pas aimé la vie."
 
"L'extraordinaire nous attire un instant, la simplicité nous retient plus longtemps, parce que c'est en elle seule que réside l'essentiel."
 
Garry Winogrand, photographe, exposition du Jeu de paume
 




 
 
 




vendredi 6 février 2015

Le non-agir taoïste

Le "non-agir" ne signifie pas l'inaction, la passivité, l'indolence ou la démission. Le non-agir taoïste définit toute action qui s'exerce en "faisant avec", sans jamais "aller contre", et qui consiste à composer avec les forces adverses comme avec les faiblesses, sans s'y opposer en vain, sans tenter de les éliminer. (...) En voile, aucun bon skipper ne lutte contre les vagues contraires, il compose plutôt avec elle en les utilisant avec grande vigilance. (...) Le surfer fait la même chose sur sa planche : il n'affronte pas le vent ni les vagues adverses, il tire profit de ses courants porteurs et il se délecte.(...) Le non-agir repose sur l'art de se relier, de fédérer, de s'accorder, de concilier et réconcilier : il est l'art de dépasser la dualité pour avancer dans la sobriété, d'économiser le temps et l'énergie au lieu de résister inutilement. (...) Notre culture judéo-chrétienne nous a fait croire qu'une action qui a demandé beaucoup d'efforts, de sacrifices et de luttes, méritait plus de considération et de récompenses que celle accomplie avec aisance et dans la joie. (...) Il est par exemple plus fécond de composer avec le point de vue de l'autre plutôt que de s'y opposer ou de le juger pour le combattre. (...) Le physicien Niels Bohr, un des inventeurs de la physique quantique, avait choisi comme symbole de ses armoiries, celui du yin et du yang, surmonté par la devise "Les contraires sont complémentaires". (...)
L'enjeu majeur c'est de jouer avec l'unité dynamique des contraires. (...) Il n'y a pas d'opposition, ni de séparation entre les opposés, pas plus entre le yin et le yang, qu'entre l'intérieur et l'extérieur, le haut et le bas, soi et l'autre, entre le corps et l'esprit, le bon et le mauvais, l'ombre et la lumière...les deux opposés incluent une même entité et en font partie. (...)
De la même manière, nos faiblesses sont inséparables des forces qu'elles abritent, comme nos défauts de leurs qualités.

D'après Françoise Kourilsky reconnue pour son approche de la conduite du changement

 
 

lundi 2 février 2015

Un père à sa fille

"Je suis parti avant que tu ne puisses te souvenir de moi. Je n'ai emporté que les vêtements que j'avais sur le dos. J'aurais aimé t'embrasser avant que tu ne t'endormes. J'aurais aimé te conduire à ton premier jour d'école. J'aurais aimé pouvoir être là pour t'apprendre à jouer du piano. J'aurais aimé pouvoir te dire de ne pas courir après certains garçons. J'aurais aimé te faire un câlin quand tu avais le cœur brisé. J'aurais aimé pouvoir être ton père. Rien de ce que j'ai pu faire ne remplacera ça.
Il n'est jamais trop tard pour être ce que tu as envie d'être. Il n'y a pas de limite de temps, commence quand tu veux. Tu peux changer ou rester la même, il n'y a pas de règle pour ça. On peut en tirer le meilleur ou le pire. J'espère que tu en tireras le meilleur. J'espère que tu verras des choses qui te surprendront. J'espère que tu ressentiras des choses que tu n'avais jamais ressenties. J'espère que tu rencontreras des gens qui ont un point de vue différent. J'espère que tu vivras une vie dont tu seras fière.  Et si tu découvres que ça n'est pas le cas, j'espère que tu auras la force de tout recommencer."
Extrait du film "L'étrange histoire de Benjamin Button, 2:16:32
 
 
 

vendredi 30 janvier 2015

A coup sûr ce qui a été ...

« La Photographie ne dit pas (forcément) ce qui n’est plus, mais seulement et à coup sûr, ce qui a été. Cette subtilité est décisive. Devant une photo, la conscience ne prend pas nécessairement la voie nostalgique du souvenir, mais pour toute photo existant au monde, la voie de la certitude : l’essence de la Photographie est de ratifier ce qu’elle représente (…) Cette certitude, aucun écrit ne peut me la donner (…) le noème du langage est peut-être cette impuissance (…) le langage est, par nature, fictionnel ; pour essayer de rendre le langage infictionnel, il faut un énorme dispositif de mesures : on convoque la logique, ou, à défaut le serment ; mais la photographie, elle, est indifférente à tout relais : elle n’invente pas ; elle est l’authentification même ; les artifices, rares, qu’elle permet, ne sont pas probatoires ; ce sont, au contraire, des trucages : la photographie n’est laborieuse que lorsqu’elle triche (…) sa force est supérieure à tout ce que peut, a pu concevoir l’esprit humain pour nous assurer de la réalité – mais aussi cette réalité n’est qu’une contingence (« ainsi, sans plus ») (…) Toute Photographie est un certificat de présence. Ce certificat est le gène nouveau que son invention a introduit dans la famille des images. »  Roland Barthes, sémiologue et écrivain, La chambre claire
 
 
Photo de Roman Vishniac

mardi 27 janvier 2015

S'émerveiller encore

S’émerveiller comme un enfant et poser des yeux éblouis sur toutes ces choses incroyables qui nous entourent. C’est une manière de jouir de la vie. Mais aussi de résister à la lassitude et la morosité ambiante. Mère de trois enfants, j’ai eu souvent l’occasion d’observer leur  incroyable capacité d’émerveillement. Chez un bébé âgé de quelques mois, on constate que tout le fascine, tout le captive. Tout l’enthousiasme. Son corps entier l’exprime, s’agite, il crie de joie ou de surprise à chaque découverte ou redécouverte. Il cherche à toucher, sentir, saisir, goûter, tester… et semble vivre intensément chaque nouvelle expérience.
En devenant adulte, nous avons bien souvent troqué notre capacité d’émerveillement contre la capacité de comprendre, d’affronter et de maîtriser le monde dans lequel nous avançons. En perdant ainsi de vue sa beauté, son mystère et sa magie.
Le philosophe Bertrand Vergely assure que « l’émerveillement est une faculté poétique qui se décide ». C'est le choix délibéré, conscient et libre de refuser l'aigreur, la dureté et la peur pour aborder le monde avec ouverture et gourmandise.
Il serait donc possible d’échapper, un tant soit peu, à nos urgences et devenir perméable aux beautés imprévisibles qui s’offrent à nous. Pour autant que l'on soit dans ce cheminement, véritable partis pris, dont le premier petit pas serait peut-être celui de l'émerveillement de soi-même...


 
 

samedi 24 janvier 2015

Un mal pour un bien...

La métaphore du papillon : un jour, une ouverture apparut dans un cocon. Un homme s'assit et regarda le papillon naissant se battre pendant des heures pour crever son abri et forcer le petit trou à s'agrandir. Mais bientôt il sembla à l'homme que l'insecte ne progressait plus. Il était allé aussi loin qu'il avait pu mais il ne bougeait plus.
Alors l'homme prit une paire de ciseaux et découpa délicatement le cocon pour aider le papillon à sortir. Celui-ci émergea facilement. Mais il avait un corps chétif et ses ailes froissées étaient atrophiées. 
"Pas grave, il va se développer" se dit l'homme et il continua à regarder le papillon en espérant qu'il déploie ses ailes pour voler. Mais cela n'arriva jamais. Le papillon passa le reste de sa vie à ramper sur son petit corps, incapable d'utiliser ses ailes rabougries.
Ce que l'homme, dans sa bonté précipitée, n'avait pas compris, c'est que le cocon trop serré est une ruse de la Nature pour forcer le papillon à le percer et à entraîner ses ailes... A cette condition seulement, il peut voler.
 
Toute métamorphose, tout changement demande des efforts. La chenille devient chrysalide en se débattant patiemment et vaillamment pour sortir de son cocon.
Ces efforts ont pour contrepartie de nous irriguer de vitalité et de nous apporter souplesse et robustesse.
Lorsqu'on entame un processus de changement, quel qu'il soit, il est intéressant de garder à l'esprit que les difficultés, les moments de doute, d'incertitudes, sont des étapes obligatoires. Des transitions inévitables mais oh combien salutaires.
 
 
 
 

jeudi 22 janvier 2015

L'instant présent...what else !

"Le passé existe seulement dans notre mental et sous la forme que nous choisissons de voir. Ce moment est celui que nous sommes en train de vivre. Ce moment est celui que nous sommes en train de sentir. Ce moment est celui que nous sommes en train d'expérimenter. Ce que nous faisons en ce moment même, c'est construire les fondations de demain. Par conséquent, c'est le moment pour prendre une décision. Nous ne pouvons rien faire avec hier ni avec demain. Nous pouvons juste le faire aujourd'hui. Seul importe ce qu'on choisit de penser, de croire et de dire en ce moment même."
Louise L. Hay - Ecrivaine

 
 

mardi 20 janvier 2015

La liberté contre le destin

"Sartre était tellement fasciné par Freud qu'il a essayé de fonder une forme de psychanalyse concurrente, reposant sur l'idée...que l'inconscient n'existait pas ! Ce que Freud nomme l'inconscient n'est pour Sartre qu'une conscience de mauvaise foi : l'homme ne veut pas voir ce qu'il a refoulé, mais qu'il a bien dû voir au moment de le refouler - sinon, il n'y aurait pas eu refoulement. Nul inconscient profond chez Sartre, ni de libido exprimant l'intensité de l'énergie associée aux pulsions refoulées, juste une zone de la conscience que l'homme ne veut pas voir, incapable de cette honnêteté vis à vis de lui-même. L'inconscient ainsi redéfini, et donc nié, ne peut en conséquence déterminer l'homme à être ce qu'il est : l'homme n'est plus déterminé par son passé ; il est libre de s'inventer à chaque instant. Comment refonder la psychanalyse si l'on pense que l'individu n'est pas le produit de son passé ? En proposant, comme Sartre, d'allonger les individus pour leur permettre d'entendre, non pas leur passé...mais leur avenir ! De trouver un projet capable de redonner du sens à leur vie, de rendre leur passé supportable, voire d'en faire une force. Pour Sartre, le passé n'existe pas : il n'a aucune réalité objective. Il se donne à nous en fonction de la manière dont nous nous projetons dans l'avenir.
Vous avez le vertige, une peur phobique des balcons trop élevés ? Inutile d'aller chercher dans votre enfance l'introuvable clé de l'énigme. C'est l'avenir qui vous angoisse, l'avenir tout proche : de ce balcon , vous pourriez vous jeter dans le vide. Finalement c'est votre liberté qui vous angoisse, cette liberté qui peut être "monstrueuse", l'angoisse devenant le symptôme de cette douloureuse prise de conscience de votre liberté. Pour en sortir, il s'agissait chez Freud de saisir la manière dont nous sommes pris dans le destin, Sartre nous propose d'assumer pleinement cette liberté qui est aussi l'origine de nos angoisses.
Toujours la même histoire : la liberté contre le destin. On imagine très bien le dialogue entre les deux. Freud : "Ainsi, vous proposez simplement de guérir les hommes en leur donnant un projet ?" Sartre "Et bien oui, c'est toujours mieux que de leur donner un destin !".
C'est probablement Freud qui a raison. Mais Sartre plaît beaucoup plus aux partisans de thérapies brèves et de coachs pressés, par temps de crise, de changer les obstacles en opportunités."
Charles Pépin, philosophe
 
 

mercredi 14 janvier 2015

Libérer la pensée

"L'Art transforme la pensée en rendant chacun conscient de son pouvoir créateur et permet de renouer avec l'exigence subjective universelle d'être et de s'affirmer par et pour soi-même, d'inscrire son être propre dans le monde naturel et humain, ce que ne permet ni la science ni la technique, ni le travail, rivés à l'universel abstrait ; l'art nous procure la joie de produire et de ressentir ce qui est le plus intime : l'amour de la vie et de sa mouvance inventive, le sens de l'universelle originalité du désir vécu de la liberté concrète. Ainsi, l'art défonctionnalise la vie et nous met en demeure de la changer pour en faire une source inépuisable de création et d'échanges sensuels, affectifs et intellectuels non utilitaires avec les autres et la nature. Ainsi, les corps symboliques que crée l'artiste nous rappelle à la richesse de notre expérience la plus profonde : celle de notre sensibilité à la recherche infinie des significations les plus contradictoires de notre expérience intime, car c'est par cette recherche que ces contradictions adviennent au sens, c'est à dire à l'unité interrogative de la conscience de soi. En cela le plaisir esthétique est de reconnaissance ; encore faut-il pour l'éprouver ne pas avoir perdu le goût de la liberté, ce que la réalité triviale de la vie sociale s'emploie à faire tous les jours."
Sylvain Reboul - Enseignant en philosophie
 
 

samedi 10 janvier 2015

Vie intérieure

"J'ai tendance à penser que la vie extérieure n'est qu'un reflet de la vie intérieure. La vie naît dans l'obscurité, tout comme la lumière jaillit de la nuit. Les gens font l'amour dans l'ombre. Le fœtus grandit dans les profondeurs du ventre. La plante pousse sous terre. Tout nait d'une forme non visible. La vie intérieure est invisible.
Je la divise en deux. D'un côté il y a ma structure interne, la construction mentale qui fait que j'existe. C'est primordial et primitif : j'ai été stupéfait de découvrir que sous hypnose, tous mes souvenirs revenaient, de façon incroyablement précise et vivante - mémorisés depuis ma prime enfance !
Mais il y a une autre vie intérieure, essentielle pour moi. C'est une ouverture sur une dimension qui m'échappe, sur un inconnu dont j'ignore la nature mais dont dépendent les idées, la création, l'art, la musique, la poésie et une infinité de possibles. Pour y accéder, j'ai besoin de me mettre sur une certaine fréquence, d'élever mon niveau d'énergie. J'ai des trucs simples pour y parvenir. En tant que musicien, je vois la vie comme des flux vibratoires dont le niveau et la qualité changent, par exemple en fonction de l'endroit où je me trouve. Face à la mer, je ne ressens pas la même vibration que dans le métro... Il faut se mettre dans une attitude d'abandon, accepter d'être tout petit face à quelque chose de bien plus grand que soi. (...)
Pour trouver de nouvelles musiques, j'accompagne au piano, en improvisation, une amie qui danse merveilleusement bien. Elle a tant d'énergie que, pour la suivre, je suis dans un état second. Ce qui est intéressant dans la vie intérieure, c'est justement de sortir de la normalité. C'est aussi pourquoi c'est à peu près intransmissible. Pourtant, on sent tout de suite quand quelqu'un a une vie intérieure forte. Il n'a pas besoin de parler, tout ce qu'il fait rayonne d'une qualité qui nous nourrit. De quoi s'agit-il ? Sans doute de présence, tout simplement."
Arthur H, auteur-compositeur-interprète
 
 

mardi 6 janvier 2015

C'est une folie ...

C'est une folie d'haïr toutes les roses, 
Parce que une épine vous a piqué,
 
D'abandonner tous les rêves,
Parce que l'un d'entre eux ne s'est pas réalisé,
 
De renoncer à toutes les tentatives
parce qu'une a échoué.
 
C 'est une folie de condamner toutes les amitiés
Parce qu'une vous a trahi,
 
De ne croire plus en l'amour juste
Parce qu'un d'entre eux a été infidèle,
 
De jeter toutes les chances d'être heureux juste
Parce que quelque chose n'est pas allé dans la bonne direction.
 
Il y aura toujours une autre occasion,
un autre ami, un autre amour, une force nouvelle.
 
Pour chaque fin il y a toujours un nouveau départ.
(Extrait du Petit Prince d'Antoine de St Exupéry)
 

jeudi 1 janvier 2015

Rester soi et s'adapter ... paradoxe ?

"Si la plupart des philosophes, thérapeutes ou guides spirituels nous encouragent à nous adapter au monde tel qu'il est (ou est en train de devenir), d'autres se méfient de cette tendance, avec un argument plutôt imparable : "les gens bien adaptés à un monde malade ne nous indiquent pas forcément la voie à suivre". Au nom d'une humanité libre et créative, ces contestataires nous invitent à prendre nos distances vis à vis de l'adaptation automatique au "meilleur des mondes" que voudrait nous imposer l'idéologie dominante. Après tout, depuis Darwin, les paléontologues n'ont-ils pas établi que, chaque fois qu'une grande mutation s'est produite dans l'évolution des espèces, la nouveauté était venue d'un petit groupe marginal dont l'inadaptation à l'ancien contexte s'était avérée "miraculeusement" adaptée au nouveau ? Qui peut se targuer de savoir quelle humanité sera adaptée au monde du XXIIème siècle ?
Parmi les méfiants, le philosophe Denis Marquet : "Le concept d'adaptation, très à la mode aujourd'hui, sent trop le conditionnement et les mobiles simples - la survie, le profit, la séduction. Il s'agit, au fond, à travers des pseudo-changements, de rester le même. Alors que la véritable création survient quand je me laisse surprendre et me découvre autre. A la notion d'adaptation, je préfère celle d'ajustement créateur. La différence ? La même qu'entre l'intégration et l'intégrité de soi. Souvent, celui qui s'adapte s'intègre à des valeurs qui ne lui correspondent pas. Il se nie. Inversement, certains, au nom de leur intégrité, renoncent au monde, dans un refus tout aussi contestable. L'important est de ne plus lutter contre le réel pour rester identique, mais de se laisser transformer par lui en permanence, d'entrer dans une relation vivante et imprévisible avec le monde. "
François L'Yvonnet, professeur de philosophie